Je suis quelqu’un qui aime bien échanger, filer un pti coup de main, échanger sur mes pratiques et découvrir de nouvelles choses. C’est pour ça que j’ai suivi les forums de discussions, et désormais ce qui les remplace les groupes de discussions sur les réseaux. A cette occasion, le groupe « Photographie Equestre » m’a demandé de réaliser mon autoportrait de photographe équestre. L’occasion de me livrer un peu et partager un peu de mon quotidien.
Je vous propose de partager aussi avec vous ce portrait, en espérant que certaines choses pourront peut être vous enrichir ou vous aider à mieux comprendre mes choix artistiques, ma vision des choses.
Depuis combien de temps fais-tu de la photo ? Raconte-nous tes débuts.
Je pratique la photo depuis grosso modo 10 ans mais j’ai fait mumuse durant bien 3/4 ans. Je m’y suis mis plus sérieusement un beau jour : un déclic a surgi et la motivation d’aller plus loin avec.
Je ne fais pas partie des profils types nés avec un appareil dans les mains. Je me suis mis à la photo pour la naissance de ma fille, cette envie de parent de réaliser des clichés uniques et intemporels. Le besoin de capter ces moments mais sans réelle démarche technique et en s‘imaginant déjà artiste (LOL).
Issu du milieu professionnel équin j’ai passé de nombreuses années de ma vie auprès des chevaux comme groom équestre. Je me suis écarté du milieu pour de nombreuses raisons mais en 2010 mon pti monstre a découvert le poney et ce fut le coup de foudre (la vie est faite de poneys et de paillettes).
J’ai donc retrouvé grâce à elle le monde dans lequel je baignais avec un plaisir indescriptible : les chevaux, et la photo a forcément fini par suivre. Puis après avoir tâté à toutes les formes de photographie j’ai eu le déclic qui m’a poussé à évoluer techniquement comme artistiquement vers l’équin. J’ai simplement eu à relier mon expérience professionnelle passée à mes nouveaux acquis : je retrouvais le chemin des écuries.
Cela n’aura pas été simple d’évoluer. Je suis autodidacte depuis mes débuts en photo ce qui forcément freine l’acquisition des compétences, des automatismes. On apprend seul, mal parfois voire souvent, ce qui rend l’apprentissage plus long.
Mais il faut savoir se remettre en question pour avancer et toujours rester très critique avec soi-même. La courbe type de progression ne fonctionne qu’avec des esprits capables d’être parfois un peu dur avec eux même, capables de regarder plus loin et dépasser ces caps d’autosatisfaction qui nous laissent heureux avec un travail encore imparfait.
Mais avec la vie vient les emm… et les problèmes et j’ai dû précipiter des projets professionnels. En 2016, je me suis donc installé comme photographe équestre. J’avais acquis une certaine maturité dans mon travail et ma pratique, ma connaissance de la gestion d’entreprise. Je me sentais donc « capable » de réaliser une prestation avec un minima de qualité.
J’ai mis un très long moment avant d’oser franchir le pas de la photographie équestre e tant qu’entrepreneur, par peur de ne pas être à la hauteur. Insatisfait permanent, syndrome de l’imposteur… Mais en parallèle j’ai dû pour certaines raisons familiales retrouver une activité salariée de façon très urgente pour pallier aux besoins d’intendance. J’ai donc connu un lancement d’entreprise très chaotique et complexe mais la vie fait que le choix ne nous appartient pas toujours.
Avec quel matériel travailles-tu aujourd’hui ?
Le matériel reste un outil pour moi, pas une finalité. Le seul confort que je juge indispensable c’est un boitier ergonomique. Quand on veut se concentrer sur l’essentiel il faut pouvoir choisir un boitier qui va vous affranchir de bien des manières.
Actuellement mon sac est n’est pas un reflet de technologie : Un boitier plein format Nikon D750 (je me tâte à passer sur de l’hybride) associé à mon bon vieux 70-200 2.8 qui a bien une dizaine d’année, un 50 1.8 dans le sac pour les cas où, et un 24-70 2.8 pour les reportages.
Un D5100 (APSC de Nikon entrée de gamme, peu ergonomique pour un pro) en backup ultime en cas de panne. J’accompagne le tout avec un flashmètre pour la mesure de la lumière (indispensable), et un duo de flashs autonomes de 600 joules, un fond adapté pour l’équin (6×3 avec structure de montage), un autre pour les toutous.
Je travaille sur PC fixe, le portable n’étant pas pour moi une solution de travail évolutive. Un NAS pour la sauvegarde, un cloud pour dupliquer mes photos en sécurité et une sonde colorimétrique (indispensable quoi qu’on le dise) complètent mon attirail. Mes impressions je sous traite à des gens dont c’est le métier.
Pour le photographe équestre et animalier que je suis cela suffit à mes usages. Je pourrais investir dans d’autre matériels mais sans un usage obligatoire immédiat.
Qu’est-ce que tu préfères photographier ? Et comment définirais-tu ton travail ? (style, ambiance, type de séance, etc…)
Pour le style je suis plus axé sur la photographie artistique équine que sur la photographie sportive équestre. Etant issu du milieu du concours hippique en tant que groom j’ai perdu goût, je fuis les terrains de concours et laisse cette activité à d’autres confrères et consœurs.
Je ne photographie pas les gens, enfin rarement. Ben oui j’aime pas les gens je suis associal, je vis dans une grotte, je suis un sauvage (naaaaaaaan c’est pas vrai). En fait j’intègre l’humain, le cavalier comme la partie intrinsèque du cheval. Pour moi les deux sont une fusion une symbiose, ils agissent de concert.
Je suis un photographe qui a une manière de travailler un peu différente des classiques actuels : je ne prépare pas beaucoup mes séances même si j’ai une idée globale, voire des images précises en tête. Mais sur le terrain je m’adapte en permanence puisque avec les chevaux rien ne se passe jamais comme on l’a décidé.
J’essaie de produire au mieux mes envies, je travaille beaucoup à l’improvisation mais en suivant mon idée de départ Ma photographie ne ressemble pas du tout aux images actuelles car je ne suis jamais les modes et les styles du moment. J’aime faire différent des autres.
Ma recherche : l’émotion, l’expression du cheval à un moment « T ». LE moment qui va faire tout basculer. Question style de traitement je suis changeant comme mon humeur.
Ma spécialité ? : travailler au flash extérieur comme intérieur pour créer mes ambiances un peu fantastiques, mais épurées, simples sans trop de fioritures. Ce qui m’importe surtout c’est de mettre le cheval au cœur de l’image dans des décors atypiques.
Ma post production est essentiellement du traitement (Lightroom). Je retouche très peu sauf pour nettoyer mes scènes et mes sujets. Une chose m’agace vite : le manque de naturel de mes images, et si une retouche de cache-misère (par exemple un fond moche mais impossible à éviter) ne matche pas comme il faut j’abandonne la photo.
J’ai ce besoin de conserver une cohérence avec la scène d’origine et que l’ensemble se marie avec naturel tel que je l’ai vu, perçu. Même si le spectateur ne devinera pas les défauts moi je les vois et je ne peux les accepter.
Une écurie sans chiens n’existant pas donc j’ai fini par ajouter la photographie canine à mes cordes car je suis un fan de toutous. J’essaie de consacrer désormais le peu de temps qu’il me reste pour des projets canins. C’est fun, frais et ça me change. Commercialement ça me permets d’offrir un catalogue de prestations élargies en restant très spécialisé dans le domaine animalier.
Quel photographe t’inspire le plus et pourquoi ? (équin ou non)
J’ai beaucoup de photographes qui me plaisent. Mark Harvey reste une de mes références. Photographe britannique avec cette touche So British dans ses images. Il est celui qui m’a permis d’insérer le flash dans mes séances équines et grâce à qui j’ai pu trouver des informations sur le sujet à mes débuts.
Je suis un fan du travail de Wiebke Haas pour son post traitement du cheval qui fait toute la différence. Elle a une maitrise de son traitement que je cherche toujours à reproduire en vain. En équin français j’aime le travail de Jessica Rodrigues et Christophe Tanière dans le domaine de la compétition : épuré, puissant j’adore.
Pour les animaux : je suis in conditionnel de Tim Flach : je suis amoureux de ses travaux. J’aimerais vraiment suivre un Workshop afin de progresser en post traitement en sa compagnie mais mon anglais est aussi abyssal que ma connerie.
Chez les humains j’adore le travail de Thanh Nguyen il a cette vision de l’humain incroyablement poétique. Nath Sakura me passionne par ses visuels très colorés, flashy et décalés, et surtout sa pédagogie. Ses ouvrages m’ont apporté beaucoup et continuent d’ailleurs Après j’ai beaucoup d’attirance pour les photographes de reportage qui arrivent à dégager ce qu’il y’ a de plus profond au sein de l’âme humaine.
As-tu une séance qui t’a marqué ? Une anecdote à raconter ?
J’en ai plein : du cheval qui fait demi-tour droite et rentre à l’écurie vent du cul dans la plaine plantant son cavalier à un bon kilomètre. J’ai rigolé jaune mais tout s’est bien fini. Ou encore le jour où j’ai fait rentrer un cheval de trait d’1,80m au garrot et 800 kg dans la salle de garde du Château Royal de François 1er. Le bruit des sabots sur les tommettes d’époque c’était juste incroyable et magique même si je ne la ramenais pas trop…
Exploser un carreau de tomette au sol et l’assureur m’aurait poursuivi jusqu’aux confins des Terres Connues avec son stylo Bic enflammé. Ou encore cette séance en collaboration avec un artiste calligraphe sur chevaux en Dordogne avec un duo d’artiste cheval et cavalier.
On a franchi les portes d’un prieuré en campagne. On n’avait pas demandé l’autorisation (ce n’est pas bien). On a sorti les bancs dehors. J’ai placé le cheval dans ce lieu fantastique, allumé mes flashs et… je suis tombé fou amoureux de ces visuels qui se créaient dans mon viseur. Improvisation totale et des photos sublimées. On a terminé, rangé tout sans laisser une trace de notre passage. Magique… Ephémère… Improvisé.
Quelle est la séance de tes rêves ?
Compliqué comme réponse. J’ai un esprit qui a milles idées à la minute. Parfois folles parfois réalistes, parfois financièrement irréalisables ou totalement idiotes. Je rêverais de pouvoir réaliser une séance dans des décors à la Games Of Throne : de vrais décors fabuleux et fantasy. Mettre le cheval au cœur de ces décors fous, costumes, accessoires, make up, un studio photo de dimension folle où je pourrais créer une ambiance dingue bourée de licornes et de pégases.
En plus réaliste ? Réaliser une séance dans la Citerne d’El Jadida comme l’a déjà réalisé Laurent Vilbert avec Sadek : un décor fantastique dans lequel je pourrais photographier sans m’arrêter tellement ça peut se révéler magique. Mettez moi un cheval dedans, mes flashs et je fais le reste…
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour le futur ? (tes futurs projets) *
Garder cette étincelle de folie pour oser aller encore plus loin dans ma folie photographique. J’aime dépasser ma zone de confort et j’ai toujours peur de manquer d’idées, de ne pas oser, de ne pas y arriver. Garder cette ouverture d’esprit qui fait que je reste toujours en capacité de remettre mon travail sur le métier, de ne jamais me contenter de ce que je fais.
J’aimerais un jour pouvoir avoir cette liberté de réaliser chaque idée que j’ai sans aucunes contraintes financières, familiales. Pouvoir partir au gré des chemins et m’affranchir de ces enracinements, fermer mon entreprise de photographe pour retrouver ma liberté totale de créer et avoir plus de temps et de moyens pour moi et mes projets photos fous. Et non ce n’est pas si facile à dire qu’à faire 😉
Bon ok dans un film je dirais vatefairefoutrejemetire et je partirais à dos de poney avec mon sac photo sur le dos dans le soleil couchant à la recherche des pégases perdus en chantant une chanson tristekifaipleurergrave (je chante comme une casserole soit dit en passant).
Le mot de la fin
Un conseil de vieux c… : Osez. Osez réaliser vos folies. Osez dépasser vos limites. Sortez de vos zones de confort et surtout ne vous dites jamais que vous êtes arrivé au bout. Photographier c’est apprendre encore et encore, progresser toujours. Soyez créatif mais soyez aussi parfois technicien, affranchissez-vous des modes et des diktats pour que votre travail puisse atteindre la maturité nécessaire.
Je pense que pour s’épanouir artistiquement il faut avant tout suivre sa propre route, écouter les conseils certes mais ne pas en faire cas parfois pour tout et n’importe quoi. Partagez, aidez, apportez aux autres. Le savoir est une donnée puissante que vous devez faire vivre et offrir aux autres sans attente de contrepartie.
Un conseil plus terre à terre : la photographie est une passion. Ne voyez pas le statut professionnel comme une fin en soi, vous pourriez y perdre votre âme. Parfois certaines choses doivent rester passion pour conserver sa liberté de création.
Passer professionnel dans le métier c’est juste avoir un numéro de siret… On bascule dans un univers bien plus dur : répondre à des exigences en permanence, de vraies contraintes, travailler selon les attentes du client et non selon ses envies à soi, vendre son travail à un prix réaliste et défendre vigoureusement et en permanence sa valeur, ne pas se dévaloriser juste pour accepter un contrat.
Alors réfléchissez, formez et informez-vous avant de vous lancer trop vite, trop maladroitement. Ne donnez pas votre travail contre des promesses vides de sens, de la pseudo visibilité. Etre photographe professionnel c’est glamour, vendeur et empreint de liberté mais la réalité du monde est bien plus dure.
N’oubliez pas une chose : se spécialiser dans l’équestre et l’animalier est une niche dans une niche et pour survivre il va falloir travailler extrêmement dur. Trop de jeunes entrepreneurs se lancent bien trop vite, sans expérience ni maitrise avancée, et une méconnaissance totale de la gestion d’une entreprise.
Attendez d’avoir une réelle maturité dans votre travail et dans votre vie pour réaliser un projet réfléchi et investi. Votre défi d’entrepreneur n’en sera que plus passionné et passionnant.
Allez sur ces bonnes paroles, bisous à tous les ptis loups. Et continuez à faire des images qui secoueront le caleçon de mamie jusqu’à la pousser dans le fossé tellement elle en prendra plein les yeux. Faites des photos de poneys roses et mettez pleins de licornes dans vos vies ça met de la couleur et de la folie dans les idées. Bisous.